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« Il n’y a jamais eu pour moi de grande différence entre le désir d’aimer et le désir d’écrire. C’est le même élan vital, le même besoin d’éprouver la matérialité de la vie. Aimer, écrire : rester vivante. » 

Camille Laurens, Inventer le désir

 

Dans la salle du fond de la Gaya Scienza, à Nice en mars 2023, Frédéric et moi exposions ensemble. A un moment, un homme m’a demandé : “qu’est-ce qu’elle vous fait cette peinture ?” en montrant les cinq immenses panneaux des “autoportraits d’un autre” de Frédéric. Sans réfléchir, j’ai répondu : “elle me donne envie de peindre avec lui”.
 

En réalité, peindre s’est transformé en “écrire”, parce qu’au fond, ce qui s'est exprimé dans la réponse spontanée à cette question, c’est le désir de créer. Créer avec Frédéric, dans le même temps, le même espace mais pas sur le même support. Ce qui m'intéressait, c’était de voir ce qui se mettait à œuvrer en moi en présence de son œuvre à lui, en train de se faire. L’idée n’était pas de créer une œuvre à quatre mains, mais de voir ce que l’une faisait chez l’autre. Ce que les signes de l'un rendaient comme signes chez l'autre. 

Certaines lectures, certaines écritures, certains signes donnent envie d’écrire, de produire d'autre signes. Certains dessins donnent envie de créer. Que ce passe-t-il dans cette réaction en chaîne, cette contagiosité de l’œuvre ?

Frédéric et moi avions déjà en commun la nécessité de créer quels que soient les monstres et les hommes, quel que soit l’état du monde, pour réinjecter un peu de sang vivant dans une terre qui asphyxie.

 

On a peint et on a écrit au même endroit, en même temps, dans le même silence ou dans la même musique. Frédéric a sorti ses grands rouleaux blancs. J’ai sorti mes pages blanches. Deux mains ont été disponibles au passage d'une encre. Il a commencé à dessiner, j’ai commencé à écrire. Très vite nous n’étions plus seulement deux, nous étions 3 : Frédéric, moi et l’œuvre peinte. Et puis très vite nous n’étions plus 3, nous étions 4 : de chaque papier, est né un poème. Et puis le poème est devenu voix, celle d’une poupée. 
Qu'est-ce que l'œuvre fait à une main qui écrit ? Qui sont les corps en jeux ? Dans quels jeux des corps ? Qu'est-ce qui naît là ? 

 

Les poèmes sont portés par les poupées, ce sont elles qui parlent de ce qui s’est passé, ce sont elles – issues et témoins – de l’expérience, qui s’adressent aux créatures de Frédéric. Elles ont leur vie propre, qui continue d’œuvrer en chacun de nous : une vie contagieuse.
 

 

Marion Poix

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